Publié le 17/09/2025 par Marie Sénéchal
Article Hospimedia 

 

Lors des assises nationales des Ehpad ce 17 septembre, trois directeurs décrivent les stratégies de communication qu’ils mettent en place pour renforcer l’attractivité de leur établissement, alors qu’une étude sur leurs conditions de travail témoigne de leurs difficultés. Ces méthodes permettent de recruter à condition de miser sur la transparence.

Salle de loisir dans un EHPAD à Saint-Marcel. Jeu de dominos.

« Je communique pour repousser l’échéance de l’effondrement. » Le ton est donné dans la salle de conférences de la Maison de la mutualité à Paris où se déroulent les assises nationales des Ehpad les 16 et 17 septembre. En cette seconde journée, une séquence est consacrée à la communication que mettent en place certains directeurs d’établissement pour « dépoussiérer » l’image de ces derniers, voire pour pallier l' »Ehpad bashing« , terme qui revient à de nombreuses reprises dans la bouche des témoins. Parmi eux, Pascal Ségault, directeur d’un Ehpad de l’association Adages au Crès (Hérault), qui prend la parole le premier. Il s’adresse au grand public par l’intermédiaire de Linkedin où ses posts cumulent « en moyenne 1,5 million de vues« . Au-delà de repousser la fameuse « échéance de l’effondrement« , il souligne que cela permet de favoriser « l’attractivité de l’établissement » d’une part et de « donner une meilleure image de l’Ehpad« , d’autre part.

« Je publie 15 à 20 posts par an, qui me prennent chacun entre trente minutes et une heure. J’ai commencé dans un contexte d’Ehpad bashing. Et cela fonctionne. Grâce à cette communication, je reçois des candidatures spontanées. Je peux donc recruter et mon équipe s’épuise moins« , témoigne-t-il. Ces dernières semaines est mentionné sur sa page Linkedin « 40 secondes de bonheur en Ehpad » où s’enchaînent des vidéos des résidents dans une piscine, colliers de fleurs autour du cou, en train de rire, mais aussi des photos du directeur en pleine danse avec deux résidentes qu’il commente en parlant du lien qu’il tisse avec les personnes hébergées, ou encore des posts sur les conditions de travail à améliorer en Ehpad. Il publie aussi des offres d’emploi accompagnées de photos mettant en scène de façon humoristique professionnels et personnes âgées.

Ouvrir les portes des Ehpad

Laurent Boucraut, directeur de l’Ehpad public Les Jardins d’Haïti à Marseille (Bouches-du-Rhône), utilise aussi les réseaux sociaux pour améliorer l’image publique de son établissement. Sur la page Instagram de l’Ehpad, suivie par près de 2 950 personnes, il raconte en image le quotidien des résidents dans ce qu’il appelle une « maison à vivre ». « C’était il y a cinq ans. J’en avais marre de l’Ehpad bashing. Je me suis dit qu’il fallait changer de nom. Notre outil, c’est l’ouverture sur le monde. Nous avons longtemps pensé que le lien social implique de sortir le résident de l’établissement, sauf que certains ne peuvent pas. Il faut alors inverser la tendance, faire entrer le monde dans l’Ehpad, transformer l’Ehpad en place du village« , décrit Laurent Boucraut. L’Ehpad, ou « maison à vivre », accueille ainsi une crèche, un logement étudiant, un espace de coworking, une école de musique… Là encore, la stratégie menée sur les réseaux sociaux porte ses fruits en matière d’attractivité. « Cela nous permet un recrutement simplifié. Nous avons un turn-over quasi inexistant ce qui est génial. C’est aussi un taux de remplissage à 100%« , se réjouit Laurent Boucraut.

Il ajoute : « J’aime la notion de transparence que cela implique. Nous montrons le bon côté, c’est vrai, mais nous sommes transparents et les familles en ont besoin. » Il souligne aussi que cette communication oblige l’établissement à être à la hauteur de l’image qu’il renvoie, ce qui engendre un cercle vertueux. « Les gens vont venir nous voir sur site, il faut que ce soit pareil que ce que vous voyez en ligne, voire mieux. Nous nous mettons la pression pour que ce soit le cas. Pour éviter de tomber dans du pur marketing, la maison à vivre est devenue notre philosophie du quotidien », raconte le directeur. Ouvrir les portes de l’établissement, notamment aux médias, fait partie de la stratégie de Danny Forster, directeur de deux Ehpad publics, l’un en Île-de-France, l’autre en Ardèche. L’homme parle de « lobbying » en faveur de l’image des Ehpad et incite ses confrères à « communiquer sur le vrai, de manière sincère et authentique ». « Nous ne pouvons pas faire du faux, ajoute Pascal Ségault, nous serons toujours rattrapés si nous cachons des dysfonctionnements, et nous sommes attendus au tournant. »

Les directeurs anticipent des difficultés de recrutement

Ces conseils pour faciliter le recrutement et agir sur l’image des Ehpad font suite à la présentation des résultats d’une enquête de Planète grise menée auprès de 350 directeurs d’Ehpad. Les trois quarts d’entre eux estiment qu’il sera « plus difficile encore de recruter des personnels soignants » à l’avenir, d’où l’importance de travailler sur l’attractivité. Un tiers d’entre eux évoquent « un sentiment de solitude ». Eux-mêmes envisagent de quitter leur métier. C’est le cas de 45% des directeurs du secteur associatif, de 37% du secteur public et de 39% du secteur commercial. Cette proportion est plus importante encore chez les directeurs âgés de 40 à 49 ans qui sont 46% à envisager de quitter prochainement leur métier.

Métier qui les occupe beaucoup. « 60 heures par semaine », commente Pascal Ségault. Les répondants sont 61% à répondre qu’ils ne déconnectent pas ou rarement de leur travail le week-end et 65% à estimer que leur rémunération est insuffisante. Les ressources humaines occupent en premier lieu les directeurs. Près de 80% d’entre eux indiquent que l’essentiel de leur temps est consacré à la gestion d’équipe et de planning et au recrutement. Ils sont 27% à estimer avoir besoin de formation en la matière.

Une insatisfaction vis-à-vis des départements et des ARS

L’étude de Planète grise, qui a collecté les retours d’Ehpad publics, privés et associatifs, met aussi en exergue que 57% des directeurs estiment qu’à l’avenir les conseils départementaux et les ARS « auront tendance à nous compliquer la tâche plutôt qu’à nous la faciliter ». 39% souhaitent être formés sur les relations avec les départements et les ARS, ces dernières arrivant sixième sur la liste des tâches occupant le temps des directeurs.

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